Spécificité et solidarité sont sans doute les mots qui expriment le mieux le fond de ce numéro 142. Ce n’est donc pas par hasard que nous avons démarré par un interview du président de la Fédération nationale de la mutualité française, Éric Chenut.
Dans cette intervention, il a souligné, comme nous l’écrivons avec Olivier Pastré et Jean-Martin Cohen Solal, que le défi que notre époque pose au mutualisme et à la coopération demeure celui de son adaptabilité aux crises que nous devons affronter de plus en plus régulièrement et avec une intensité croissante.
Éric Chenut montre que le monde mutualiste redonne sens au long terme alors que nous sommes maltraités en permanence par cette exigence de l’instantané. Autre apport majeur de son éclairage : mettre l’accent sur le fait que désormais les catégories d’assureurs se rapprochent et que sur un thème délicat comme l’assurance dépendance, ils fournissent des solutions communes.
Chacun apporte à l’autre sa spécificité mais chacun se souvient également que la logique absolue de l’assurance est de mutualiser les risques.
Cette question de la solidarité, on la retrouve évidemment dans notre dossier très fourni sur le risque de discrimination porté par les technologies numériques. En effet, elles fournissent tous les éléments de
connaissance intime qui permettraient naturellement de segmenter massivement les entreprises. Avec un risque de dérive d’augmentation massive des prix de l’assurance pour le dossier le moins favorable
et/ou d’exclusive recherche des populations aux risques circonscrits et limités.
Même volonté de maintenir les principes fondamentaux de l’assurance face aux bouleversements géopolitiques mondiaux. En premier lieu, la solidarité demeure, même si, comme le montre Patrick Artus, le mouvement de fragmentation est en route. Mais dans les guerres commerciales à venir, l’assurance représente peut-être ce que Françoise Gilles souligne, un élément de résilience pour l’économie mondiale.
Oui, des vecteurs de tension apparaissent partout, mais la spécificité de l’assurance, c’est de permettre à tous les groupes sociaux d’affronter de manière solidaire et renouvelée tous les risques, au niveau mondial, européen et français.