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Dossier – Survivre à des taux d’intérêt historiquement bas

Posté par Philippe Trainar | mars 2015 | Article, N° 101

Dossier – Survivre à des taux d’intérêt historiquement bas

Partout dans le monde, les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas sur une aussi longue période de temps et jamais les marchés n’ont anticipé un retour à la moyenne aussi lent qu’aujourd’hui. Ceci est particulièrement vrai en Europe : si l’on prend comme référence les séries longues dont nous disposons sur les taux des obligations d’État à dix ans, ou les « consols » pour l’Angleterre, ceux-ci n’ont jamais été aussi bas qu’aujourd’hui en Europe et, aux États-Unis, ils sont à peine supérieurs à leur niveau le plus bas (qui s’est situé à 1,5 – 1,6 % après la guerre et au plus fort du quantitative easing). En outre, les taux des obligations d’État les moins risqués en Europe continentale sont désormais négatifs sur l’essentiel de la courbe des taux : jusqu’à sept ans en Allemagne. Enfin, les marchés n’anticipent pas de remontée rapide des taux, ni en Europe ni aux États-Unis : les taux à terme font ressortir des taux à trois ans encore négatifs dans deux ans en Allemagne et des taux à dix ans qui n’augmenteraient pas de plus de 20 points de base à cet horizon. Nous sommes entrés dans une ère de taux durablement bas et proches de zéro, voire négatifs, en Europe. À tout le moins, ceci est une hypothèse tout à fait raisonnable aujourd’hui alors qu’elle aurait paru tout simplement folle il y deux ou trois ans.

Cette situation change totalement la donne de la gestion de l’assurance et de la réassurance. Des situations financières qui n’étaient, il y a encore peu, pas envisageables même dans les scénarios les plus extrêmes sont devenues la normalité du jour : les banquiers centraux, qui excluaient les taux nominaux négatifs, en sont devenus les promoteurs et les marchés qui anticipent désormais une persistance de cette situation dans les années à venir, dans le cadre d’un retour à la moyenne très étalé dans le temps, leur ont emboîté le pas. Sur quelle normalité doivent compter les assureurs ? Quelles situations extrêmes doivent-ils envisager ? S’ils se réfèrent aux données empiriques du passé, ils ne peuvent qu’en conclure à l’anormalité de la situation actuelle, qui correspond à une probabilité inférieure ou égale à 0,5 %, et à un retour vers la moyenne d’autant plus rapide et brutal que l’on s’en est violemment écarté. Or, les marchés pensent justement le contraire. Et, peut-on expliquer à un conseil d’administration que, sur la base des données empiriques disponibles, l’on devrait a priori exclure, dans les circonstances actuelles, toute poursuite de la baisse des taux d’intérêt dans la zone des taux négatifs ? Tels sont les dilemmes de la gestion de l’assurance aujourd’hui. Ces dilemmes sont particulièrement délicats à traiter dans la mesure où le risque en assurance et en réassurance ne s’apprécie pas par rapport à l’écart type mais par rapport aux situations correspondant à un taux de retour de 1 sur 200 ans, des situations extrêmement rares, qui testent donc les limites de nos expériences et de nos connaissances, tout particulièrement quand la situation de départ se situe d’ores et déjà aux limites de ce que nous connaissons.

Dans ces situations, les risques prennent eux-mêmes une tournure particulière. La politique monétaire agressive menée actuellement réduit peut-être le risque de crédit, puisqu’elle rend plus aisé le refinancement des agents, mais elle accroît en contrepartie le risque macroéconomique, que l’on peut mesurer d’une part par l’écart du taux sans risque, entendu sans risque de crédit, par rapport au taux d’équilibre, d’autre part par le risque de retour brutal de ce taux vers sa valeur d’équilibre. De ce point de vue, les valeurs dites de « safe haven », qui bénéficient actuellement d’une prime négative, ne sont pas des valeurs aussi sûres qu’on pourrait le penser car elles sont probablement les plus exposées à ce risque de correction brutale du niveau des taux. La dette allemande est donc particulièrement risquée de ce point de vue. De même, la hausse des actions et de l’immobilier en Europe est largement spéculative dans la mesure où elle est exclusivement imputable à la baisse des taux et non aux perspectives de croissance : on peut estimer ainsi qu’un point de baisse des taux d’intérêt à dix ans induit une hausse des actions de 7 % en moyenne (3 à 11 %). Étant exposée à un risque de correction sévère en cas de retour à la normale des taux d’intérêt, si celle-ci n’est pas accompagnée d’un redressement équivalent du taux de croissance de l’économie, ce qui est peu probable, la valorisation actuelle des actions est donc extrêmement fragile. Et pourtant, les garanties minimales, notamment les garanties en capital, accordées dans le cadre des contrats d’assurance vie imposent aujourd’hui aux assureurs de rechercher plus de risques à l’actif pour couvrir ces garanties, sachant que les titres à revenu fixe n’offrent plus de rémunération suffisante.

Il est clair que les banquiers centraux ont fait le choix des gouvernements et des banques contre les assureurs, qu’ils l’ont fait dans des proportions totalement inimaginables précédemment et que ce choix a des conséquences importantes pour la gestion des actifs et des passifs en assurance.

Sylvain de Forges souligne la radicale nouveauté de l’environnement financier actuel et recommande, au nom du principe de réalité, de ne pas chercher à échapper aux conséquences que ce nouveau monde implique pour l’assurance. Ceci induit d’accepter de revoir notre relation au risque, tant du côté des épargnants que du côté des intermédiaires financiers eux-mêmes.

Benjamin Serra estime que les taux durablement bas entament progressivement la solidité financière des assureurs. Il souligne toutefois que les situations nationales sont très diverses, pointant un risque particulièrement élevé dans le cas de l’assurance vie allemande par opposition à l’assurance vie française. Les assureurs s’adaptent en baissant les taux garantis, en privilégiant les unités de compte ou de nouveaux produits, en se diversifiant et en prenant plus de risques à l’actif.

Stéphane Dedeyan souligne l’intérêt de l’eurocroissance dans le cadre de la conjoncture actuelle. Il estime qu’il donne un nouveau cadre à l’assurance vie française qui devrait lui permettre d’affronter dans la durée un environnement de taux bas, d’améliorer les perspectives de rendement des épargnants vie et de renforcer la capacité de l’assurance vie à financer l’économie.

Emmanuelle Laferrère et Pierre de Villeneuve constatent que les fonds en euros ne constituent plus la bonne réponse aux besoins des assurés et que l’eurocroissance doit prendre le relais pour les placements à long terme. La question cruciale devient donc celle du passage des fonds en euros aux fonds eurocroissance : il est important que les transferts de richesse des uns vers les autres se fassent dans des conditions favorables et incitatives.

Eric Bertrand et Arnaud Faller explorent les moyens qui, dans la terra incognita des taux d’intérêt bas où nous nous trouvons, permettraient de gérer la matière obligataire pertinemment. Ils proposent notamment d’améliorer la diversification, d’accroître la flexibilité, de développer les investissements en devises étrangères et de retrouver du thêta positif (par des stratégies exploitant les « strangles »).

Fabrice Rossary part des trois grandes familles de stratégies de gestion d’actifs (les stratégies de portage, les stratégies directionnelles et les stratégies d’arbitrage), pour conclure que la seule action possible pour accroître le rendement consiste à combiner l’allongement de la duration de l’actif, la prise de risques de crédit et de liquidité, l’arbitrage des bases, l’exposition au risque alternatif et l’introduction de classes d’actifs au remboursement non-prédéfini.

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